jeudi 13 octobre 2011

Je ne suis pas une midinette. Je n'ai jamais rêvé au prince charmant. Je dois même avouer que jusqu'à ce qu'Aurélien me fasse comprendre qu'elle l'était pour lui, la fidélité ne me semblait pas fondamentale dans un couple. J'ai toujours eu une attirance mêlée de fascination pour le libertinage, qui me paraissait une activité follement intellectuelle. Au début de notre relation, j'ai regretté un peu le rigorisme de mon petit ami sur ce point, mais je me suis finalement faite à l'idée que ce n'était pas pour moi.

Cependant, plus jeune, je n'aurais pas imaginé renoncer un jour aux suaves sirènes d'un amour passion. Je me suis toujours imaginée passer mon temps blottie contre mon petit ami, l'embrasser à pleine bouche à longueur de journée, sentir mon cœur s'emballer et mon estomac se nouer au moindre frôlement de ses doigts sur mon corps, passer mes nuits à faire l'amour et atteindre le septième ciel à chaque étreinte. Et j'ai découvert la réalité.

L'amour, c'est un comportement épisodique. Un bisou sur la joue le matin, un baiser sur les lèvres au moment de partir travailler, un câlin avant de se coucher, un rapide assaut dans la semaine. Quand le rituel est respecté, il n'y a pas de frustration : chacun se pense aimé par l'autre et chacun a le sentiment du devoir accompli. Il n'y a que lorsque les règles sont bafouées que l'on ressent cette sorte de tristesse agrémentée de colère sourde qu'on appelle le manque. Lorsque l'un tarde à rentrer le soir ou va dormir chez un copain, lorsque l'autre est pressé, énervé, fatigué et qu'il néglige ses obligations conjugales. Il existe un pacte implicite qui pose de manière définitive le nombre d'heures que nous devons passer ensemble. Un temps médian destiné à satisfaire tout le monde dans des conditions dites normales, calculé en fonction de la fluctuation de nos humeurs. Dans la réalité, il est impossible de passer la journée dans les bras l'un de l'autre. Dans la réalité, tout amant a besoin de préserver une part de son intimité.

Je n'aime pas la réalité. Sans doute parce que je ne me sens pas vraiment réelle moi-même. Dans la réalité, les filles de mon âge ont des cheveux châtains très lisses, des habits à la mode, des cache-cœurs noirs sur des sous-pulls flashy parce que cette année c'est colorblock, des amis à la pelle sur facebook. Dans la réalité, les filles de mon âge vont en boîte tous les week-ends, draguent les garçons de mon âge et boivent juste assez de téquila pour ne plus s'en rappeler le lendemain. Parce que je suis rousse, bouclée, rétro, solitaire et casanière, j'ai l'impression d'être un des personnages des romans que je lis, de pouvoir échapper à la réalité. Je n'aime pas quand elle me rattrape.