jeudi 8 septembre 2011

Seule dans l'appartement. Il n'est toujours pas meublé. Dans la voiture qui allait me livrer sans état d'âme à mon destin d'étudiante, mes parents avaient chargé un matelas deux places, une vieille table basse et un peu de vaisselle. Pour ma part, en plus de mes vêtements et de mon nécessaire de toilette, j'avais pris un sac de couchage, des coussins et des livres. Difficile de ne pas me croire toujours en vacances alors que j'ai l'impression de camper tous les jours. Mais pour faire l'effort de me rendre à Ikéa, je vais attendre qu'Aurélien soit là.

J'aime la solitude mais je n'aime pas être seule. C'est peut-être paradoxal, mais c'est ainsi. Quand je suis dans ma chambre, chez mes parents, je peux rester des heures à écouter de la musique, à lire, et j'éprouve très rarement le besoin d'aller chercher un peu de compagnie auprès de ma famille. Mais être seule dans un appartement vide, surtout à la tombée de la nuit, cela me terrifie. Il me vient alors des peurs enfantines : une fois au lit, je n'arrive pas à éteindre la veilleuse. Il me faut d'abord vérifier que la porte d'entrée est bien fermée à clé. Si ce n'est pas le cas, je la ferme, mais je crains alors qu'un tueur soit caché dans l'appartement. Après vérification soigneuse de tous les recoins sombres, ce sont les craintes irrationnelles qui font leur apparition. Comme si j'avais dix ans de moins, j'ai peur de voir surgir des monstres, des vampires et des fantômes. Un craquement de source inconnue, l'ombre déformée d'un objet quelconque me donnent des sueurs froides. Je finis toujours par m'endormir, mais j'oublie bien souvent d'éteindre la veilleuse.

Les jours de la semaine s'égrainent rapidement : je vais en cours de 8 à 18 heures et je dors peu. Mes terreurs nocturnes sont à peu près les seuls moments qui sont véritablement à moi, après avoir passé la journée en classe et fait mes devoirs pour le lendemain. Malgré cela, je dois dire que, globalement, on nous ment sur la prépa. Ce n'est pas un univers impitoyable peuplé de génies prétentieux et individualistes et de professeurs glaciaux et sadiques. C'est au contraire une petite communauté qui entend intégrer au mieux chacun de ses membres pour pouvoir se serrer les coudes dans l'épreuve. Quant au niveau, il n'est pas si élevé. Ce qui change, c'est le système de notation. En hypokhâgne, un 10/20 signifie "très bien", un 8 "pas mal", un 6 "moyen" et un 4 "un peu faible". Mais on ne nous demande rien d'infaisable. Il me semble que, dans une certaine mesure, une fac de lettres serait plus angoissante : le niveau y est réputé plus faible, mais les étudiants sont livrés à eux-mêmes dans un flot d'analyses d'oeuvres et de théories linguistiques. Ici, on pourait presque dire que nous sommes choyés par nos professeurs, qui nous tiennent la main sur le chemin de la connaissance et nous bordent chaque soir d'une épaisse couche de devoirs pour tenir notre cerveau bien au chaud.

Jusqu'ici, cela me convient.