dimanche 11 décembre 2011

Les rues de la ville sont toutes illuminées pour Noël. Lorsque je rentre de prépa, le soir, alors que le ciel est déjà noir, cela m'émerveille, toutes ces lumières. Je n'ai jamais accordé une grande importance à Noël, mais il me semble que cette année sera différente.

En devenant adulte, je suis devenue nostalgique. Contrairement à ce que l'on entend parfois, devenir adulte n'est pas un long processus. Dès que l'on quitte ses parents, devenir adulte, c'est une obligation. Devenir adulte, c'est devoir assumer des responsabilités jamais assumées auparavant : avoir notre propre adresse, payer un loyer, remplir des papiers en notre nom, construire notre vie dans un monde qui ne connaît pas nos parents, où l'on est responsable de tous nos actes. Mais dans ce monde neuf, il y a toujours quelques petites madeleines chargées de nous rappeler notre vie d'avant : un parc municipal qui sent comme le jardin de notre enfance, des petites pâtes en forme de lettres comme celles que l'on mangeait en soupe les soirs d'hiver sur les rayons d'un super marché, des décorations de Noël aussi scintillantes que celles qui nous faisaient rêver quand on était petit.

L'âge adulte a un bonheur que l'enfance ne connaît pas : le souvenir. On était probablement heureux, plus jeunes, lorsque nous jouions des heures au jardin ou que nous mangions une soupe de petites pâtes très chaude alors qu'il faisait très froid, mais nous ne nous en rendions pas compte. Prendre son indépendance permet de faire de nouvelles expériences, de goûter de nouvelles saveurs, de voir différents endroits, mais cela paraît parfois artificiel au regard des dix-huit années précédentes, celles qui nous ont véritablement faits tels que nous sommes. Du point de vue d'un jeune adulte, l'enfance est un phare, solide et sûr.

L'existence que je mène en ce moment me paraît vide et dénuée de sens. Je fais une formation dite d'exception, destinée à me mener à une école exceptionnelle, mais en réalité, ma chance d'aboutir autre part qu'en fac de lettres in fine est infime. Mon petit lycée de province envoie peut-être un étudiant à Normale Sup tous les dix ans et décrète chaque année quinze jours de liesse quand il a deux ou trois admissibles. Professionnellement, ce que je fais ne me servira plus tard qu'à me vanter sur mon CV. Dans ma vie personnelle, je ne suis guère plus épanouie. Bien sûr, au fond, j'aime Aurélien, et je ne pourrais pas vivre sans lui. Je ne sais pas comment font tous ceux qui vivent seuls pour trouver le courage de se lever tous les matins, de se faire à manger, de sortir de chez eux : si je vivais seule, j'aurais tôt fait de devenir dépressive. Mais je m'ennuie. Aurélien n'a pas besoin de moi, Aurélien n'est pas ma famille, je me sens inutile et perdue.

C'est ce que je ressens sur le chemin illuminé qui me ramène chez moi : de la joie enfantine, primitive, et une grande bouffée de mélancolie. Je n'ai jamais aussi bien porté mon prénom.