mardi 12 juin 2012

L'année scolaire touche à sa fin. Les pulls ont été lavés et mis au placard, les sandales ont revu la lumière du jour et il n'y a guère que la pluie qui, occasionnellement, nous incite encore à nous couvrir.

Nous avons eu les résultats de notre concours blanc. Objectivement, j'ai été mauvaise. Mais j'ai été relativement meilleure que la plupart de mes camarades. Nos professeurs ayant noté large, la moyenne se trouve être 7. Ainsi, mon 11 de moyenne me vaut l'admiration et le respect de ma classe. La prépa est vraiment un monde à part.

L'annonce de ces résultats a eu pour effet immédiat une démotivation massive. Nombre d'hypokhâgneux évoquent à présent la possibilité de s'inscrire à l'université. Paul, qui a eu 6 de moyenne à ses examens blancs, aimerait obtenir une équivalence pour entrer en deuxième année d'histoire de l'art, mais je le sens réticent à l'idée de me laisser derrière lui. En effet, je n'ai encore jamais laissé entendre que je pourrais quitter la prépa. Toutefois, son revirement me fait réfléchir.

Que je réussisse ou non le concours d'entrée à Normale Sup, je n'arrive pas à envisager quel avenir s'offrira à moi après ces deux ans. Je continuerai certainement le plus loin possible, pour éviter d'avoir à me poser des questions, mais arrivée au terme de dix ans d'étude, serai-je plus avancée ? Normalien et thésard, et a fortiori normalien thésard, ne sont pas des métiers. L'idée de rompre dès aujourd'hui avec l'objectif de faire une brillante carrière dans un domaine encore très indéterminé me séduit plus que je n'ose l'avouer.

Paul caresse le rêve de devenir antiquaire et nous fait remarquer en riant que peu de "petits commerçants de quartier" se sont donnés la peine de faire une khâgne. Est-ce que mes rêves à moi nécessitent de me donner la peine de faire une khâgne ? Ou est-ce qu'une licence suffirait à me donner un bagage universitaire et un peu de temps pour réfléchir à la suite ? Je n'ai pas de rêve de grandeur, j'aimerais seulement trouver ma voie, vivre ma vie et me faire oublier du reste du monde.

Ce soir, c'était carottes râpés et jambon blanc. J'ai ajouté mon avenir au menu.

"Je me dis que peut-être, l'année prochaine, je pourrais arrêter la prépa. Faire une licence de lettres classiques, peut-être, ça pourrait être intéressant. Plus proche de ce que moi, j'aime."

Aurélien a pris une grosse fourchetée de carottes, a mâché longuement et a répondu sans même lever les yeux de son assiette :

"Je pense que ce serait une erreur."

Et la discussion a été close.