mardi 1 mai 2012

Grand et franc soleil pour ce 1er mai. Après des jours et des jours de pluie et de froid, il nous faudra certainement un peu de temps pour nous réhabituer au printemps.

Je suis en vacances. Pas Aurélien. Aurélien est en révisions. Ses examens sont la semaine prochaine. Hors de question, donc, de passer cette semaine chez nos parents. Il a repris ses médicaments, ses crises d'angoisse et ses insomnies. Et il a oublié plus ou moins totalement mon existence. Au mieux, je ne suis plus pour lui qu'une dangereuse réserve d'imprévus dans son programme de révisions bien rodé.

Alors aujourd'hui, quand quelques amis de prépa m'ont proposé de participer à une pique-nique pour nous détendre de nos propres révisions (qui ne sauraient cependant avoir autant de valeur que celles d'Aurélien, l'enjeu étant complètement différent), j'ai accepté sans hésiter une seconde. C'est ainsi que nous nous sommes tous retrouvés à midi devant l'entrée du grand parc situé un peu en périphérie de la ville.

Paul  était venu, bien ne soit pas originaire d'ici. Lui et moi étions deux exilés de la campagne parmi les citadins pure souche et la situation n'était probablement pas due au hasard. C'était la première fois que je restais ici pour les vacances, et c'était la première fois que Paul restait également. Peut-être était-ce simplement dans le but de réviser plus efficacement, ou peut-être cela n'avait-il rien à voir avec les révisions et tout à voir avec moi (alors, ironiquement, en réglant ses déplacements sur les miens, Paul les réglait sur ceux d'Aurélien).

Nous nous sommes tous salués, et il m'a semblé que Paul s'attardait plus longtemps sur mes joues que sur celles des autres filles. En nous enfonçant dans le parc, nous nous tenions un peu à l'écart du groupe. Il me regardait sans rien dire et je lui lançais des sourires amusés, qui se voulaient moqueurs. Cependant, parmi nos camarades, personne n'était dupe et on commençait déjà à m'appeler Arthur dans mon dos (car ce genre de blague était jugée très drôle en hypokhâgne).

L'organisatrice du pique-nique a sorti une grande couverture de son sac à dos et nous nous sommes assis dessus en cercle. D'un même mouvement, nous avons tous sorti nos victuailles. Pour rendre la chose plus conviviale, chacun avait été chargé de préparer un plat pour tout le groupe. Il y avait la traditionnelle quiche froide, le traditionnel cake salé et le traditionnel gâteau marbré. Certains, plus originaux, avaient apporté des mini-pizzas, des tartelettes et des cupcakes artistiquement décorés. J'avais fait une salade composée et Paul, une salade de fruits. Nous étions la touche de fraîcheur du repas et, à l'évidence, nous étions aussi celle de l'assemblée, qui riait de la timidité de Paul et de ma candeur quand nos mains se frôlaient sans oser se toucher et que ma peau de rousse prenait brusquement la teinte des tomates cerises de ma salade.

Nous ne nous sommes séparés qu'au milieu de l'après-midi, après avoir beaucoup mangé, beaucoup discuté, beaucoup ri et beaucoup flâné le long des allées arborées, heureux d'être ensemble, savourant notre oisiveté collective. En partant, Paul s'est une nouvelle fois attardé sur mes joues pour me dire au revoir et, trouvant sans doute que l'instant manquait encore de romantisme, s'est prestement emparé de ma main, l'a baisée en esquissant une révérence et s'est ensuite sauvé sans demander son reste, négligeant de saluer les autres membres du groupe.

De retour à mon appartement, je sens toujours la fraîcheur de ses lèvres sur ma main et j'en frissonne encore.