mercredi 18 juillet 2012

Il y a toujours un moment, cependant, où on est obligé d'affronter le reste du monde. Quand les placards et le frigo sont vides, il faut bien aller faire les courses. Quand nos amis, inquiétés par des sms sans réponse et un répondeur omniprésent, finissent par envoyer un éclaireur sonner chez nous, il faut bien lui ouvrir.

C'est la douce Manon aux cheveux blonds qui est aujourd'hui à ma porte. Puisqu'elle a fait le déplacement et qu'il serait grossier de la renvoyer chez elle, je lui propose de prendre un thé. Je ne suis pas à court de thé, c'est déjà ça. Comme c'est la raison de sa venue, je lui expose brièvement mon problème :

"Aurélien est parti."
"A cause de Paul ?"
"Non, à cause d'une fille en médecine."

Manon pose sa tasse et me prend dans ses bras. Une seule question, je m'en tire à bon compte. Je suis soulagée qu'elle n'ajoute pas : "C'est un mal pour un bien", "Ce n'était pas un type pour toi" ou "Les hommes, tous des salauds". J'espère qu'elle transmettra l'information aux autres : ça m'évitera de rabâcher sans cesse la même histoire. Après tout, c'est bien pour ça qu'elle est venue.

Après son départ, j'allume mon téléphone portable. Cela fait plusieurs jours qu'il est éteint. J'y trouve des textos banals : "Alors, ces vacances, comment ça se passe ?", des textos insolites : "Je suis allée au musée archéologique hier et j'ai vu des chats momifiés. Ça m'a fait penser au tien.", des textos angoissés : "Tu as reçu mon message ? Comme je n'ai pas de réponse et que ça fait déjà trois jours... enfin, te sens pas obligée de répondre...", des textos d'avertissement : "Hey, Madeleine, j'ai pensé que je pourrais passer chez toi voir si tout va bien, ok ? Si ça te dérange, tu me dis..." Sur la messagerie vocale, même combat, j'ai des : "Coucou Madeleine, c'est Anna, je voulais juste savoir comment ça va. Rappelle-moi quand tu seras disponible." et des "Salut Madeleine, c'est Manon. Juste pour te dire que je suis en route pour chez toi. Si tu ne veux pas de moi, il est toujours temps de me faire rebrousser chemin..."

Il n'y a pas de message de Paul. Est-il tout de même inquiet, lui aussi ? Est-il seulement au courant de ma grève communicationnelle ? S'il n'a pas essayé de me joindre et que les autres ne lui ont rien dit, il se peut fort qu'il n'en sache rien. Il en apprendra sûrement la raison. Nul doute que quelqu'un lui vendra rapidement la mèche, comme si ma rupture le concernait au premier plan. Je ne sais pas pourquoi, j'éprouve de la répugnance à cette idée. Comme s'il n'avait pas à l'apprendre de quelqu'un d'autre. Je ne veux pas qu'il l'apprenne de quelqu'un d'autre.

Je compose le numéro, il décroche, et nous parlons. Pendant des heures.